• Lettre à une inconnue.

    C'est une simple lettre, adressée par un lac à un banc, un jour de soleil.

    Bonjour.
       Je suis une fille, j'ai un âge, une taille, un poids et des yeux, comme tout le monde. Une date de naissance et une certaine couleur de cheveux. Un gymnase. Un sourire. J'ai de bonnes notes et je passe mon année. J'ai déménagé il y a un peu plus de deux semaines, parce que nos anciens propriétaires voulaient récupérer leur appart et ils nous ont mis à la porte presque du jour au lendemain. Mais le nouveau me plaît bien. J'ai deux petites soeurs. J'ai une famille sympa, des amis sympas, un copain plus que sympa : extraordinaire. Lui aussi il a un prénom, comme moi. Il est toujours là pour moi et j'essaie de l'être pour lui.
       J'écris plus ou moins régulièrement depuis environ deux ans. J'ai des dizaines de carnets de toutes les tailles et de toutes les couleurs, pour écrire. Ma passion c'est l'écriture. C'est, c'était ? Il y a des jours où j'ai envie de tout brûler. Là par exemple. Brûler mes carnets, mes poèmes, mes dessins, ma chambre; ma vie.
       Parfois je ne sais plus pourquoi je me lève le matin. Parfois j'ai la tête qui tourne tellement que j'en tombe. Parfois.. Souvent je fais comme si de rien n'était et je perpétue la routine. Chaque jour. Je les vis les uns après les autres en me forçant à sourire. À aller bien. À prendre des nouvelles de tout le monde et de m'en souvenir après. À aider autant que faire se peut. À questionner des vies, des passions, des week-ends, des relations. À sourire encore. Et encore. Et encore. Et encore une fois. Mes cours ? je m'accroche. Je veux que je me rends compte que je ne sais pas ce que je veux. Rendre mes parents fiers ? Pas tellement, les études c'est avant tout pour soi qu'on les fait... Réussir mon gymnase ? Quel objectif ! Attention, vise plus haut et tu atteindras le sol ! Faire des études ? L'idée est bien belle, mais lesquelles ?

       Je voudrais être transparente. Vraiment, j'aimerais bien. Ne plus avoir ce poids sur mes épaules, ce vide dans mon ventre. Ne plus voir les mensonges sur ma peau. Juste me diluer dans l'air, et d'une seconde à l'autre avoir disparu. M'être effacée des mémoires et des pensées. Laisser tomber ces remords et cette culpabilité, qui n'en sont plus et n'ont plus lieu d'être. À oublier. J'aimerais apprendre à oublier. À oublier et à disparaître. Dans un sens, c'est un peu la même idée. Sauf qu'une fois c'est dedans, et une fois c'est dehors.

     

    Au revoir ?
       Je me regarde dans le miroir mais ce que j'y vois ne me plaît pas : pas d'âme. Juste un corps et des obligations. Plus de mots. Plus de beaux mots qui transpercent et qui transportent, plus d'âme ! Juste un maigre corps, et quelques maigres phrases.
       De quoi tu te plains aussi chérie ? T'écris ces mots seulement pour qu'on s'occupe de toi, pour te rendre plus tangible, toi qui voulait devenir transparente ! Tu recherches à la fois l'attention des gens et leur pitié. Oui, décidément, pitié c'est le mot. Tu es pitoyable. Tu sais que y'a des gens à Lausanne, ils n'ont même pas de quoi manger. Ils angoissent à toutes les fins de mois car ils ne savent pas s'ils vont réussir à payer leur loyer. Il y en a dont les parents divorcent, d'autres dont leurs petits frères sont morts. Il y a des gens malades qui n'ont pas de quoi se soigner. Des qui ne peuvent pas continuer leurs études. Des qui meurent et des qui les pleurent. Des qui sont si seuls qu'ils ont arrêté de parler. Et toi tu te plains. Tu te plains ! Putain meuf, regarde-toi.
       T'as pas le droit de te plaindre, t'as juste pas le droit.

       J'ai honte pour toi, vraiment. C'est pitoyable ce que tu deviens lorsque tu es seule. La miss-caméléon, la fille-sourire, la transparente ! L'ombre.
       Je voudrais devenir une ombre. M'allonger par terre et attendre que le soleil vienne me dissoudre. Me blottir dans sa chaleur et attendre de ne plus savoir penser.

       Dès que je croise une voiture je m'imagine sous ses roues.
        Mais je pense à lui. Je crois que ça le blesserait plus que moi. Je crois que je ne le ferai pas juste pour lui. Pour ne pas voir cette étincelle dans ses yeux. Je sais qu'avec moi il y a toujours son sourire. J'y crois. De toutes mes forces. Mais il y a tellement de choses en lesquelles je crois et qui s'écroulent. Au moins quand on n'existe pas on n'a pas à penser. Je crois qu'en fait l'avenir me fait peur. J'ai peur de ce que je vais devenir. De ce que je vais faire. Je me sens infime. Dégueulasse. Pitoyable. Immonde. Je voudrais être transparente. Je voudrais dormir. Dormir, c'est être transparente un moment. C'est un laps de temps où on n'a plus conscience de penser, et j'aimerais arrêter de penser. Ça ne me crée que des problèmes alors que je n'en ai pas et que de toute manière je ne devrais pas en avoir.
       J'aimerais être transparente comme ça dans le miroir je ne me verrais pas pleurer.
       Putain meuf tais-toi.

    « Colère.Perdue. »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 15 Juin 2014 à 14:35

    C'est juste... Je sais pas... Beau ? Ça me paraît un mot un peu trop faible pour décrire cet article. C'est tellement ce que je ressens, je ne sais pas si il y a un texte dans lequel je me retrouverais mieux. C'est vrai qu'on a la même chute. Pourtant... J'ai l'impression que ce n'est pas la même chose. Ici, l'écriture n'est pas brouillonne, pas comme la bouillie que j'ai l'impression de sortir lorsque j'écris, non. Là, c'est vraiment profond.
    Mais je parle trop pour ne pas dire grand chose. Continue toujours à écrire comme ça, vraiment ;)

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