• O.,

    Merci pour tout, et en même temps, va te faire voir. J'ai mal, j'ai peur, je suis heureuse, perdue. Qu'en sais-je ? Aurais-tu du hurler pour me faire fuir ? Peut-être que j'aurais mieux compris tes mots. Peut-être que plus de décibels, plus de violence, moins de réflexion posée, de mots doux, peut-être que plus de haine m'aurait aidée. Parce que moi ici je crie.

    J'ai changé. Je hurle maintenant, hurle d'être libérée, je vends mon corps au plus offrant, je vis des heures libérées, libérées, libérée alors que de mes pieds je suis libre et salie.
    Sale de tout cet amour. De tous ces toujours murmurés, offerts au vent, au moins vivant, j'ai ma tête qui tourne, qui tourbillonne ! Emprisonnée dans un défilé d'hommes. Tous là, tous absents. On prête son coeur au moins perdant.

    On espère guérir dans la fête les travers consommés, panser dans l'ivresse les années consumées, le filtre d'une cigarette entre les lèvres et un bout d'âme entre les jambes, avec le monde entre nos mains, nos mains amères qui d'une traite ne tiennent plus rien. Nos années ont passé, nos vies se séparent, mais il n'y a pas que nos chemins qui se déchirent, car ce soir mes mots aussi volent en éclats, éclats éclatants, on perd la tête si souvent.

    J'ai perdu mes mots, perdu la tête, perdu ton corps. Mon passé et ton passé, enchaînés, ont tourné le dos à de tristes regrets. La fumée qui monte de ma gorge a le goût de l'été, des courses sur le sable, concours de ricochets. Mes remords, je les emporte, blottis en-dedans comme un feu de glace, qui me glace, et qui me fait hurler de douleur au contact des doigts sur mon corps, aux doigts qui sortent de l'armoire, je dis au revoir.

    Au revoir comme à toi, ami, amour, amant, amen dieu je te nie, qui y a cru, de toute façon ? J'ai caché mon coeur dans un carton;
    d'ailleurs tu peux encore le voir,
    le rabat s'agite encore un peu, au fond de l'armoire.

    Ta Clara.
    S'il en est une.


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  • C'est une simple lettre, adressée par un lac à un banc, un jour de soleil.

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  • Lausanne, le 14 octobre 2012

    À mon groupe.

    Anne-Flore, Ludivine, Hortense, Charlotte.
    À vous quatre, j'adresse ce message. Ou plutôt à nous cinq, car nous formons un groupe. Un groupe qui au fur et à mesure des années a du affronter de grands bouleversements et des petits changements. D'énormes diputes et des imbroglios inextricables. Des secrets partagés, des fous rires etouffés et une complicité à toute épreuve. Oui, nous formons un groupe, et malgré tout ce qui nous est arrivé il a survécu. Même la distance n'en est pas arrivée à bout.

    Pourtant. Maintenant nous sommes chacune aux quatre coins du monde. Anne-Flore toujours à valmont, pour toujours et depuis toujours. Ludivine à Paris, qui a arrêté la danse, qui a commencé des études littéraires, et pour qui tous ces changements me semblent si loin. Hortense et Charlotte, toutes les deux à Lyon, qui pourtant ne partagent plus la même chambre, et qui n'ont plus la même orientation. Et puis moi, qui, à ma grande surprise comme à celle des autres, ait changé d'école, de système, pour qui tout a changé.

    Pourtant, malgré tout ça, nous sommes toujours ensembles. Envers et contre tout, notre groupe a survécu. On se voit encore, messages, téléphones, visites expresses, vacances partagées, tout est bon pour ne pas perdre contact. En voyant l'une je prends des nouvelles de l'autre, et chacune se tient aux courant du reste de la troupe.
    On m'a souvent dit que l'amitié est indestructible, mais c'est seulement avec vous que j'ai appris à y croire. Ne vous y trompez pas, ceci n'est pas un message de reproche, ou seulement de constatation, c'est juste un immense message d'amour, et de remerciements. Merci d'avoir continué à y croire, d'avoir continué à vous battre pour nous.

    Merci mille fois, pour toutes les épreuves que l'on a surmonté seules, ensemble que sais-je ? Et même fâchées, même lorsque que plus rien ne nous rattachait l'une à l'autre, il y en avait toujours une pour retracer un pont, un pont invisible entre nos deux coeurs, un pont qui faisait qu'on pouvait pleurer à chaudes larmes et se faire pardonner. À vous j'ai tout dit, tout caché, tout donné. Mes pensées vous accompagnent à tout instant, parce qu'en ce moment j'ai besoin de vous.

    Mais c'est aussi votre pouvoir. Sans même vous appeler, sans même vous voir, je sais que vous me soutenez, que vous êtes là, derrière moi, et que vous croisez les doigts pour que j'y arrive. Dans les moments de désespoir, dans les moments de doute ou d'errance, je vous sens avec moi, je vous sens en moi, pour toujours. Vous êtes mes meilleures amies. Mais pas des bestah, pas des meilleures amies pour la vie avec lesquelles on aura perdu contact dans trois semaines, non, vous êtes mes amies les plus chères, notre groupe est et restera mon cocon, et c'est toujours avec vous que j'irai sécher mes larmes. Que vous soyez là ou non, que je sois là ou pas, je suis et serai toujours avec vous. C'est ce qu'on appelle vulgairement 'le pouvoir de l'amitié', c'est le pouvoir de vous aimer plus fort que tout.

    Mon coeur se gonfle en pensant à vous. C'est l'amour le plus indestructible que je connaisse. "C'est le lien qui nous lie et qui fait de nous des amies", dixit l'une d'entre nous. C'est notre groupe, et c'est ça qui me donne envie de me relever, de me battre. Parce que je sais que si j'abandonnais et que je partais lâchement, en revenant vers vous vous ne m'accepteriez pas. Je veux donner le meilleur pour vous. Je veux être digne de vous. Je veux me battre et vous aimer, parce que c'est votre amour qui me donne la force de me battre.

    Merci d'être mes amies. Je vous aime plus fort que tout.

    Avec ma plus grande affection,
    Clara.


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  • Lausanne, le 23 août 2012.

    Papa,

    Je t'écris ces mots que pourtant tu ne liras jamais. Je les écrits pour les sortir de moi, parce que je n'arrive pas à continuer comme ça. Je n'arrive plus à marcher, à sourire avec eux qui pèsent de tout leur poids sur mes épaules.
    Papa ! J'aimerais arriver à mettre des mots sur ce que je ressens envers toi, mais je n'y arrive pas non plus.
    Comment te faire comprendre ?
    Commençons par le contexte, peut-être. Depuis que tu travailles pour l'étranger, tes déplacements se font de plus en plus fréquents, et surtout de plus en plus longs. Tu pars un mois, puis tu rentres pour deux ou trois semaines. Avant ça, tu partais toutes les semaines pour ne revenir que les weeks-ends. Entretemps, tu es déjà reparti pour deux jours, ailleurs.
    Tu rentres à la maison, et cinq minutes après tu rempile avec une séance. Tu te lèves à midi pour être réglé avec les américains. Tu es toujours en plein jet lag, Greenville, Tokyo, Düsseldorf, Bruxelles. Et Lausanne ? C'est pas bien Lausanne ? C'est joli comme ville pourtant. L'après-midi on doit se taire, parce que tu es en plein conf-call au milieu de la cuisine. Le soir comme le week-end, tu restes greffé à ton portable. Tu parles toutes les langues ! Français, allemand, anglais, en tout cas les principales, celles qui permettent de se comprendre un peu partout.
    Papa... Tu sais, c'est pas si dur quand t'es pas là. On s'adapte vite, on vit avec le manque et un jour on ne le remarque même plus. Les courses, la cuisine, Maman s'en charge désormais. Et pour les déplacements, on prête la voiture aux voisins et nous on prend le train. Quand t'appelle le soir à 22h, on s'en fout désormais. On ne se bat plus pour accéder la première au téléphone. Moi, souvent j'essaye même d'y échapper. Parce que ça me rappelle que tu n'es pas là. Ton absence, que j'ai si bien su oublier, me saute à la gorge, d'un coup, et les larmes débordent.
    Parce que oui, Papa, tu nous manques. En tout cas à moi, ton absence me pèse. À chaque voyage j'ai la peur vissée au ventre. Un accident d'avion, de train, une fusillade, une bombe ou un infarctus, qui sait ? Je sais seulement que si tu mourrais maintenant je te quitterais fâchée contre toi.
    Mais le problème ne vient pas de tes voyages. Le vrai problème il est après. C'est quand tu reviens que ça ne va plus, Papa.
    La maison doucement s'était habituée à vivre au rythme tranquille des quatre filles qui l'habitent, seules. Et quand tu reviens, tu bouscules tout ce rythme, et on dirait que tu ne t'en rends même pas compte. Parce que quand tu reviens Papa, tu n'es plus le même.
    Tu parles fort, tu t'énerves vite, et on dirait que tu crois tout savoir. Stressé, tu deviens vite méprisant, grossier, cassant.
    On dirait qu'en rentrant tu te forces une place parmi nous, et tu te plains, comme si s'était à nous de changer pour que tu puisses rentrer ! Mais nous Papa, on en fait déjà tellement d'efforts. Regarde tes filles, tu crois que tu ne leur manques pas ? Tu crois vraiment que des cadeaux comblent ton absence ? En plus, c'est mesquin mais ça a besoin de sortir, tu ne sais rien de nos goûts. Et pire encore, tu ne sais rien de moi ! Voilà ce que j'ai envie de crier !
    Papa ! S'il te plaît, entends moi.. Je garde la colère chevillée au corps, la douleur greffée à l'âme lorsque tu es là. Je peux me blottir dans tes bras, mais c'est ma dernière limite. Si je me mettais à parler, qui sait ce qui sortirait de mes lèvres ? Pourtant, quand tu n'es pas là, le manque de toi s'ouvre, grand, grand ! J'aimerai tant que tu sois là au quotidien, que tu fasses plus partie de notre vie "réelle". Parce que qu'est-ce que tu sais de nous ? Moi je connais les noms et prénoms de la moitié de tes collaborateurs, j'ai vu toutes les photos des endroits où tu es allé, mais toi ? Que sais-tu de nous ?
    Sais-tu quelles langues Anna a choisi cette année, et en quelle classe elle rentre ? T'apprendrais-je qu'Emilie entame une sixième bilingue, et qu'elle aimerait débuter la gymnastique aux agrès ? Te souviens-tu des prénoms respectifs de nos meilleures amies ? Sais-tu seulement qui je suis ?! Voilà ce que j'aimerais te demander !
    J'en ai marre de tes départs, de tes retours, de devoir t'explique une énième fois ce que tu n'arrêtes pas d'oublier, de te parler de choses que j'ai l'impression d'avoir vécu il y a des années, alors que tu n'étais pas là pour les vivre avec moi.
    Et je n'aime pas quand tu reviens.
    Papa, je t'en prie, aide-moi. Si tu lis ces mots, tu auras peut-être autant de mal à les comprendre que moi en ce moment à les écrire. Comme il est dur de blâmer ceux qu'on aime ! Parce que je t'aime Papa, n'en doute jamais. Mais j'aime l'image que tu me donnes de toi, et pas son reflet.
    Papa, j'ai peur aussi. Peur qu'un jour ça casse, peur qu'un jour tu reviennes et qu'on ne soit plus prêtes à t'accueillir comme une fleur. Et j'ai peur que toi, inflexible, tu choisisses de partir. Parce que voilà Papa, tu as l'air si heureux ailleurs ! Ailleurs que chez toi, ta famille et ta maison ne semblent pas te manquer plus que ça. Même toi tu sembles avoir désillusionné sur l'emprise que tu as ici. Je te demandais si toi tu voulais du chat que l'on va adopter, et tu m'as répondu que tu n'avais pas ton mot à dire. On accepte tout venant de ta part, parce qu'on est heureuses que tu sois de retour. Mais quelque part j'imagine qu'on aimerait que tu en tiennes compte, et que tu fasses des efforts toi aussi pour te réintégrer parmi nous.
    Papa, c'est dur pour moi d'écrire cette lettre. Peut-être, voir sûrement même, que tu te dis qu'il y a quelque chose qui cloche avec moi, puisque je ne parle plus, que je suis d'humeur maussade et boudeuse, mais c'est simplement pour garder toute cette colère au fond de moi, pour la garder captive dans mon ventre.
    Tu vois Papa, je t'aime assez pour garder tous ces sentiments enfouis au fond de moi, pour ne pas t'en parler. Je pense que ça n'est pas la bonne solution, j'en suis même presque certaine, mais je ne sais pas quoi faire d'autre. Peut-être que c'est ça l'adolescence ? Se rendre compte que son père n'est pas parfait ?
    Tu sais Papa, je me sens tellement coupable de ressentir tout ça... J'ai l'impression de ne pas avoir le droit à ces sentiments, de ne pas être autorisé à éprouver ces émotions.. Alors ça me fait tellement mal de tout te dire ici.. C'est vraiment douloureux.

    Avec tout mon amour,
    Clara.


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