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comme d'habitude, les montagnes russes de l'écorchée vivre
alors c'est ça, coexister avec le monde à fleur de peau
tout m'écorche, me sonde, le moindre déséquilibre me balance à bas de mon vélo
et je m'écroule dans mes bleus noirs qui s'esquissent comme des fleurs sur mes mollets
alors c'est ça, coexister à fleur de vide
apprendre à apprivoiser le stress qui funambule en reine sur ma colonne en miettes
respirer malgré les poumons percés
retrouver l'équilibre précaire du moral en fonction de la productivité
comme abscisse, le nombre de séries réussies, en ordonnée, le nombre d'heures de sommeil volées
des chiffres partout même le soir glissés sous les paupières, des boucles normées jusqu'à l'indigestion
jusqu'au débordement, jusqu'à la vidange par les larmes et les larmes et les larmes
alors c'est ça, coexister à la vie
reprendre le tissage de l'espoir actif pour l'implanter jusqu'aux neurones
lutter contre l'apathie et la morosité pour avancer toujours, immobile jamais
refuser l'immobilité parce que même se traîner sera mieux que de se morfondre
refuser l'immobilité parfois si tentante, si tentante qu'en fermant les yeux on s'imaginerait bien un moment s'arrêter
refuser le sur-place, remplacer les paysages qui défilent toujours immobiles par des histoires de fous, folles
alors c'est ça, coexister au bord du monde
faire semblant, semblant de vivre pour y croire au moins un peu
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j'écris comme d'habitude par catharsis, par purgation de l'âme
je débouche les siphons des grandes tristesses, les sinus qui valsent dans nos têtes en forme de poires;
je viens écrire les grandes angoisses qui viennent câbler la colonne, qui nous engoncent, nous étrillent, nous malmènent;
je viens poser entre deux lignes la tristesse acide et rance qui coule et pulse et mord
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(jour 29)
la tristesse est un manque de courage
NON
négatif
la tristesse n’est pas un manque de courage non non non négatif capitaine
être triste ne veut pas dire être lâche non non non non vivre ses émotions demande beaucoup
de courage assumer d’être triste ou de ne pas l’être - porter ses larmes au front
pleurer à s’en brûler les yeux - prendre d’un coup le poids d’une vie dans ses seuls
souvenirs non ce n’est pas être lâche non ce n’est pas être couard la tristesse est
dure et implacable et tranchante et brûlante et glacée - survivre à la tristesse
survivre à la tristesse n’est jamais simple et jamais
jamais jamais lâche
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(jour 28)
sans que jamais ne vienne l’aube
à l’armée, c’est le mort qu’on célèbre. on lui donne des médailles et de beaux mots, on le décore. on se fout des familles. lui, lui il est mort en héros madame ! vous, vous souffrez en mauviettes. pas de couronnes de fleurs pour les proches éplorés, pas de pin’s sur l’épaulette, on ne s’intéresse pas aux vivants qui soudainement le sont un peu moins; c’est au mort de danser sur le devant de la scène.
arrimée au pirate dans le salon blanc, sur le canapé crème mes larmes s’échouent une à une. du puzzle je place en silence ses pièces l’une après l’autre malgré le flou et le vide. au moins le puzzle est entier, il possède toutes ses pièces, lui. le puzzle n’est pas orphelin de mamie-moineau, lui. parler au puzzle m’aide à croire qu’il existe un après, parce qu’on croirait volontiers qu’il n’existe plus rien du tout. même moi je ne vis plus, dévorée par le vide. je suis un meuble triste, coeur en carton, larmes de papier. je suis un sac à pleurs, remuée vaguement par des ombres de sanglots. arrimée au pirate, mes larmes tachent une à une le canapé crème.
la joue posée sur le tissu doux, j’essaye de croire que demain existe. j’essaye de revoir l’auvergne sous mes paupières, mais l’auvergne bascule dans la nuit. c’est difficile de croire que l’auvergne existe toujours si mamie-moineau n’y pépie plus. c’est difficile de croire que l’auvergne existe tout court. c’est difficile de croire qu’il y aura un matin au bout de la nuit, un matin comme tous les autres matins, un matin doux et clair; on ne comprend pas pourquoi les tremblements de coeur ne se transforment pas en tremblements de terre, où sont tonnerre et éclairs, comment transcrire le vide, comment traduire le vide, le vide, le vide, le vide comme un creux béant dans la poitrine. je coule dans un coin du salon blanc.
comment croire que tout existera demain comme tous les autres demain alors que toi, Mamie-moineau, tu n’existeras plus ?
tu es morte, et c’est à moi de ne plus être tout à fait vivante
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