• (jour 5) - grandir

    souvent j’écris : je grandis. rarement pourtant j’ose prononcer ces mots à voix haute. rendre tangible cette réalité que pourtant j’expérimente souvent au travers de mes textes : je grandis.

     

    de ma croissance résolument non-linéaire je retiens : grandir me demande du temps, énormément de temps, un temps infini. je réfléchis lentement, doucement ; j’ai besoin de solitude pour m’adonner à l’honnêté nécessaire à fixer sur une page mes sentiments du moment. vient ensuite le temps du mûrissement, des chamboulements, il faut que mes mots prennent de l’âge avant d’oser la relecture. puis, plus tard, il faudra revenir, recommencer tout le processus et se rendre compte de la distance parcourue entre le mot a et le mot b. grandir me demande du temps, du temps que je lui donne.

     

    cette dernière année aura eu l’air d’être douce, sans virages en épingle, sans traumatismes ni tsunamis. et pourtant quand je regarde derrière moi je ne retrouve plus ma vie : j’ai trop grandi. sans en avoir l’air. les mots auxquels étaient tressés des torrents de larmes ne me font plus pleurer quand je les prononce : j’ai accepté de partir. 

     

    le non que je n’ai jamais réussi à murmurer, je le digère.

     

    il m’aura fallu deux ans pour jouer enfin dans ma propre équipe. deux ans pour accepter que mon corps ne sera peut-être plus jamais mon corps, mais que je peux me prendre dans les bras quand même. 

     

    qu’il en faut de la force pour vivre – qu’il en faut pour grandir. c’est une histoire de déchirement et de soulagement, d’écorchures et de cicatrices, constamment il faut se débarasser des idées mortes puis retourner au cadavre reprendre ce qui se garde ; il faut bouturer les idées anciennes, clôturer les idées vieilles, laisser la place aux nouveaux bourgeons ; constamment il faut tutorer, surveiller, questionner, toujours, questionner encore.

     

    de ma croissance résolument non-linéaire je retiens : une colère. celle de la pleureuse qui n’en peut plus qu’on la traite de faible. vous n’imaginez pas la force que cela demande de toujours se laisser emporter par les émotions brutes. vous ne savez pas la solidité nécessaire pour sortir des jours sans fond. 

     

    je suis forte, les joues creusées de larmes. je suis forte, la parole évanouie, encombrée de sel. je suis forte, quand bien même je réfléchis lentement, quand bien même il me faut pleurer plus que vous pour arriver au même point. je suis forte et en colère contre tous ceux qui me croient moins solide parce que je pleure, moins tenace parce qu’il me faut passer par le chagrin pour grandir, moins résiliente parce que je traverse des tristesses immenses.

     

    je ne me suis jamais sentie plus inébranlable, plus vaillante et sincère, que lorsque j’ai enfin accepté que je ressens tout trop fort, et que c’est cela, ma force.

     

    « (jour 2) - fantômes(jour 6) - cinq fois »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :