• (jour 24) - les oiseaux / états d'âme

    (jour 24)

     

    souvent, souvent je me fais la réflexion: je suis bonne à aimer. j'aime dire je suis bonne à aimer, car dans tous les sens je m'y retrouve. je suis bonne. je suis aimée. je sais aimer, et j'aime aimer. je suis même très forte au jeu qu'est aimer. les peaux des autres sont un langage que je parle et pratique couramment. il est pourtant difficile de caresser une peau: tout est à inventer, constamment. une peau comme un petit oiseau, frissonnante, insaisissable. c'est une physique très particulière qui permet de calculer l'intensité des caresses à prodiguer aux peaux des oiseaux. leur fréquence. leur origine. leur point de chute. un système d'inconnues si complexe que deux caresses ne peuvent être identiques. la seule solution commune: la triviale, celle de l'absence.

     

    il me dit tu n'es pas la femme de ma vie: tu es la femme de la tienne. quel fracas tout de même ces peaux qui se froissent. que deviennent les plis qu'on trace, qu'on encre dans les corps des autres à force de s'y glisser encore et encore? que deviennent les ombres qu'on cache entre deux côtes? je sais parler la peau, je sais parler les coups, les cous, les regards et les silences. je sais me calfeutrer dans les nuits des autres comme dans mes poèmes: on m'y croirait chez moi. je suis chez moi lorsque je suis aventurière des peaux des autres. j'ai tant découvert: les peaux de mousse, papier de sable, les peaux chaudes à l'odeur de lavande, les peaux de pirates, de fantômes, au goût de sel et de secrets. j'ai tant à offrir: je suis fontaine, source, torrent d'amour. exploratrice des énigmes que dessinent vos corps dans les reflets des désirs qu'il nous reste. je suis modulable, modelable, pâte à rêves, je suis à la fois papier buvard et tampon encreur.

     

    jamais une once de manipulation ou de perversion dans mes errances aux bras des ombres. toujours je m'offre avec une candeur et une entièreté qui me sont à la fois chères et naturelles. je suis à la nuit. je partage mon corps comme un cadeau-surprise. sous le papier crépon et les rubans de couleur, jamais d'attachement non plus. je ne suis qu'au moment, et au moment seul. il faut accepter mon amour plein et charnu comme mon départ à l'aube. je n'aime qu'en filigrane des jours. jamais de menottes à mon poignet, ni de collier au cou - ces laisses je les cède aux autres. je suis un amour qui voyage: bien trop grand pour n'appartenir qu'à un seul. je suis un amour qui se partage: et quand j'aime, j'aime le monde.

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