• << [...], je ne veux pas m'asseoir et me taire. Comment rester sagement assise alors que je voudrais passer mon temps à crier ? Mes parents disent qu'ils ne comprennent pas. En moi, la moindre révolte est prête à prendre des dimensions cataclysmiques. Mais tout reste noué à l'intérieur. Si je baisse la garde quelques secondes, je repense à la maison, au moment où je rentrerai tout à l'heure, aux disputes entre papa et maman. Alors je me referme, garde ma forme solide, et la pointe de mon feutre s'écrase encore plus fort contre le papier blanc.

    Les boutons, les règles, tous ces trucs-là c'est que dalle. C'est le reste qui fait mal. Où aller quand rien de tout ce qu'on a connu ne s'emboîte plus et reste là, comme des souvenirs qui s'entrechoquent ?

    Chaque matin, quand je sors de chez moi pour venir en cours, il ne reste plus que de la colère. Contre moi, contre les autres, contre la vie. Le moindre murmure provoque des ondes de choc irrémédiables. Et c'est plus fort que moi, je le jure : au contact des autres, quand j'ouvre la bouche c'est la colère qui parle, et quand je lève la main c'est la colère qui frappe. C'est la colère tout le temps, qui décide, qui agit. Et c'est la peine ensuite, qui endort les dégâts.

    Je m'appelle Lola, et c'est à peu près tout ce qu'il y a à savoir. À peu près au moment où les choses ont commencé à mal tourner entre mes parents, j'ai découvert sur internet que mon prénom vient de l'espagnol Dolores, qui signifie "douleur". La mauvaise graine dans la mauvaise terre, la mauvaise fille pour les mauvais parents. >> (p. 20)

     

    << Je me tais, gère les mots au compte-goutte. En moi, les silences ont élaboré leur propre phonétique, mon mutisme a donné lieu à une grammaire nouvelle, faite d'espaces et de vacuités, une orthographe stérile. Je prononce des vides, j'articule des blancs. Et mes échanges avec les autres se construisent comme ça, entre les lignes que je ne dis pas. >> (p. 38-39)

     

    << [...] quand je ferme les yeux ma respiration s'accélère, et mon coeur bat plus fort. Alors je me redresse, je passe ma nuit à ça, tenter de trouver un moyen de plier sans me rompre. >> (p. 77)

     

    Ces trois citation proviennent d'un livre d'Antoine Dole, Ce qui ne nous tue pas.
    C'est un livre absolument magnifique. Je crois, sincèrement, un des plus beaux que j'ai lu depuis longtemps. Un de ceux dont je me suis retrouvée dans chaque page, chaque phrase, chaque ligne, chaque mot presque. Je les ai lus et relus, mais je n'en garde qu'une seule conclusion : j'ai vécu ce livre, et j'ai vibré à l'unisson de chacune de ses lettres, comme un écho, comme un miroir, comme si ce que je m'efforçais de me cacher depuis six mois éclatait soudainement sous mes yeux. Ma vie dans un livre.
    Un livre touchant. Fragile.


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  • " During the first year of a British university philosophy course, we are invited to ask whether chairs exist - the importance of the question is only heightened by the fact that we seem to be sitting on one. During the second year, we tackle the question of whether God exists - in a constitutional monarchy where the queen rules by divine right, this is of the utmost importance. Dieu et mon droit, so a denial of God is almost treason. In the third year, we move onto the equally vital question of whether we actually exist. We modestly put ourselves in a queue behind household furniture and the deity.
    Generally, in order to put an end to all this questioning, we choose the Wittgenstein linguistic philosophy option in our final year and finish the philosophy course by proving that the questions themselves were meaningless.
    You end up with a philosophy degree, but you don't know who you are, if you are, or whether, for that matter, you even understood the question in the first place. "

    Une petite perle trouvée dans le TGV, sans auteur par contre :)


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  • ""Dans une hiérarchie, chaque employé tend à s'élever jusqu'à son niveau d'incompétence." Cette loi fut énoncée pour la première fois par Laurence J. Peter en 1969. Il voulut créer une nouvelle science, la "Hiérarchologie", la science de l'incompétence au travail. Il voulait la scruter, l'analyser et mesurer son expansion naturelle au sein des entreprises. L'observation de Peter était la suivante : dans une organisation quelconque, si quelqu'un fait bien son travail, on lui confie une tâche plus complexe. S'il s'en acquitte correctement, on lui accorde une nouvelle promotion. Et ainsi de suite jusqu'au jour où il décrochera un poste au-dessus de ses capacités. Où il restera indéfiniment.
    Le "principe de Peter" a deux importantes corollaires. D'abord, dans une organisation, le travail est réalisé par ceux qui n'ont pas encore atteint leur niveau d'incompétence. Ensuite, un salarié qualifié et efficace consent rarement à demeurer longtemps à son niveau de compétence. Il va tout faire pour se hisser jusqu'au niveau où il sera totalement inefficace."
    Bernard Werber ~ Nous les dieux.

    Radical, et peut-être un chouïa cynique aussi ;)


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  • "Si un électron était doué de conscience, se douterait-il qu'il est inclus dans cet ensemble beaucoup plus vaste qu'est l'atome ? Un atome pourrait-il comprendre qu'il est inclus dans cet ensemble plus vaste, la molécule ? Et une molécule pourrait-elle comprendre qu'elle est enfermée dans un ensemble plus vaste, par exemple une dent ? Et une dent pourrait-elle concevoir qu'elle fait partie d'une bouche humaine ? À fortiori, un électron peut-il être conscient qu'il n'est qu'une infime partie d'un corps humain ? Lorsque quelqu'un me dit croire en Dieu, c'est comme s'il affirmait : "J'ai la prétention, moi, petit électron, d'entrevoir ce qu'est une molécule."
    Et lorsque quelqu'un me dit être athée, c'est comme s'il assurait : "J'ai la prétention, moi, petit électron, d'être sûr qu'il n'y a aucune dimension supérieure à celle que je connais."
    Mais que diraient-ils, croyants et athées, s'ils savaient combien tout est beaucoup plus vaste, beaucoup plus complexe que leur imagination ne saurait l'appréhender ? Quelle déstabilisation subirait l'électron s'il savait qu'il est non seulement enfermé dans la dimension des atomes, molécules, dents, humains, mais que l'humain lui-même est inclus dans la dimension planète, système solaire, espace, et puis quelque chose d'encore plus grand pour quoi nous ne possédons pour l'heure pas de mot. Nous sommes dans un jeu de poupées russes qui nous transcende.
    Dès lors, je m'autorise à dire que l'invention par les hommes du concept de dieu n'est peut-être qu'une façade rassurante face au vertige qui les saisit devant l'infinie complexité de ce qui pourrait se trouver effectivement au-dessus d'eux."

    Bernard Werber, Nous les dieux

     

    (Tableau : Kandisky)

    À méditer demain,
    peut-être.
    Un jour.
    Une nuit.
    En attendant le bus,
    Ou en trompant l'ennui.


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