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aujourd'hui les larmes amères qui tachent les mains -
je suis rentrée sous la pluie elle avait une forme un peu de capuche
je sentais les gouttes se glisser dans mon cou j'aurais peut-être du sourire
mais le marteau dans le crâne le marteau dans le crâne
verrouille les rhomboïdes
quand je suis rentrée paf paf les vêtements trempés au sol
il faut s'extirper du froid petit lézard de pacotille
me suis croisée dans un miroir
me suis trouvée magnifique
sursaut
deuxième regard
je me trouve magnifique
mais quel plaisir, plaisir, plaisir
quelle surprise
quel bonheur
après tant d'années à pleurer sur cette peau
tant de haine et de rancoeur
après tant d'aigreur
quelle plaisir de se trouver belle
dans ce monde où s'aimer
est une insulte d'industriels
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(tu sais depuis plusieurs mois déjà je caresse du bout des doigts l'idée de revenir, à chaque fois de revenir pour vrai, de revenir pour de bon, de revenir enfin entière et vivante et libre et claire, claire claire comme mon nom finalement claire, de revenir enfin transparente et cristalline les enfers en interligne glissés sous les rides du front du haut revenir enfin revenir pour de vrai revenir car ce ne serait pas revenir ce serait revivre je rêve de revivre je rêve de respirer comme avant comme si avant c'était possible et que maintenant ça ne l'est plus revenir comme revivre comme revivre car je rêve de reprendre ma vie comme elle était comme elle a été je rêve de me lever comme je me levais et de respirer comme je respirais et de vivre comme je vivais, c'est-à-dire simplement vivre doucement vivre joyeusement vivre, car désormais je ne vis plus je ne vis plus je n'étends sur le temps qu'une longue tactique je ne vis plus que pour taire le secret le secret je ne vis plus que pour me taire je ne vis plus que pour me taire mais est-ce seulement vivre?)
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j'ai la mémoire trouée
oh la la mais quelle passoire je suis
heureusement, heureusement que j'ai la fée et la fleur, puisque ce sont elles qui le soir ramassent tous mes morceaux d'angoisse
pour les recoller et me faire revivre
j'oublie si vite
à quel point cela faisait si mal
de rentrer
j'ai connu l'été des gouffres
j'ai erré dans mes vieillesses non-apprivoisées dans un fracas inaudible
j'ai maudi mes amis amoureux dans la fournaise de mon ventre
j'ai mangé des volcans, dormi sur des oursins
j'ai appris à ne plus rien savoir, dans le dénuement de confiance le plus total
je me pensais si solide
je me croyais tellement prête
après avoir traversé mes fleuves de larmes, cela semblait si simple
de rentrer
mais quelle passoire je suis
quand me rappelerais-je que je ne sais pas vivre?
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c'est fou finalement que toujours je revienne ici de mon plein gré
dans le grand tri de ma vie j'ai retrouvé la première lettre de rupture qui m'était adressée
oh, elle date, l'encre s'affadit
et pourtant, je me suis rendue compte que je ne l'avais jamais lue
jusqu'au bout
mon corps de petite fille a tout nié en bloc
jusqu'aux mots
que j'ai refusé de voir
je n'étais pas une petite fille j'avais juste les paupières closes
et pas la moindre idée de comment les ouvrir
je ne savais même pas que je marchais à son bras les yeux fermés
fermés noir
j'ai relu ma toute première lettre de rupture
et c'était peut-être la plus belle
et j'ai pensé
quelle belle chose que d'avoir croisé ce nageur
quelle belle chose que d'avoir navigué un bout de vie avec lui
et quelle belle chose aujourd'hui que d'arriver à le penser et à me le dire
je grandis
ça n'en a pas le goût, ni l'odeur ni la forme
mais je grandis
quand je me retourne sur mes vieux amours
je peux le voir
je peux me voir
obtuse et silencieuse
désireuse à n'en savoir que faire
et je peux toucher du bout des doigts
le mince lacet qui me sert de chemin
je ne suis plus à la même place
je grandis
dans la douleur et dans l'euphorie
chaque émotion un tsunami
une larme à la fois
(parfois deux d'un coup, mais je suis une lacrymale facile)
une larme à la fois, un espoir après l'autre
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