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Jour 40 - Consultation pour voyance
Belle à en pleurer, à en croquer mes lèvres comme des livres trop mûrs, aux pages pourries par l'été meurtrier;
belle à en pourrir, à en fumer de l'intérieur des refus macérés à l'extrême, des négatifs oblitérés par l'oubli d'aimer;
belle à en sourire, sur les pavés noirs qui se tordent sous les pas perdus des leucémies âmées-cachées;
(et tu fais le tour de ta chambre, et tu sens ton coeur qui se cambre)
belle à en rire, à en éclater en grelots qui cliquèteront sur l'immense perron du temps, clochettes feuilletées par le vent mordant comme l'annuaire des vieux beaux jours, des vieux beaux amours;
belle à en partir, à en fuir la ville aux fossettes de lierre et aux jeunes filles en fleurs, les nuages se promènent en Laponie et me promettent de revenir - mais la Russie d'abord, la Pologne avant, l'Oubli en premier, tant de pays ils sont là ils sont si près tu sais il faut y aller
belle à n'en rien savoir, on se laisse guider par les pulsations asymétriques, boum boum ton corps sur le mien boum, boum boum le noir qui se détériore, le sang qui fait des boum-bulles, les semelles qui claquent le sol (boum) en y laissant de grosses traînées d'alcool et de secrets éventrés
belle à en crier, à s'en arrêter net pour esquisser encore une fois des prunelles ces lèvres juteuses qui semblent tant promettre
belle à croquer, comme on mordrait à pleine dent dans la trame des jolies musiques, celles qui parsèment nos existences malheureuses d'âmes en peine, celles qui se traînent et cadenassent leur corps le long des autoroutes émotives cloisonnant nos coeurs
belle à en souffler, à en exsuder des myosotis par tous les pores
belle à en rêver, la nuit, le jour, d'avirons qui nous emmèneront (ailleurs), à en croire les diseuses de bonne aventure qui nous emballent nos possibles dans papier glace et du sucre en poudre
belle à jeter, comme la boule de cristal fissurée de l'autre fée-fêlée, illusion de consultation erronée, aux chiffres biaisés chantant le long de nos mains des futurs discordants, écorchant les coins du coeur
alors qu'elles ont dit non, les cartes, elles ont crié non, hurlé non, tatoué dans chaque cellule une négation qui
depuis, tu n'écris plus ;
moi j'écris trop
mais nos mots
(comme nos mains)
(comme nos corps)
ne se croisent plus
ne se lisent plus
ne se
touchent plus
hurlé non, elles ont chanté non les cartes, chuchoté non, surjoué le non
et depuis le trèfle me pique lorsque je le porte près du coeur, et ton corps est aux abonnés absents (boum) tandis que je
joue aux corbeaux aux bateaux qui fument je joue à qui sera
la plus belle je prends des pilules pour dormir mes lèvres gonflent et je ne sais
à qui les offrir je ne sais
plus à qui dire
aux cartes non
je ne dirais pas aux cartes non;
depuis les cartes bafouées
j'ai du vendre ton prénom.
Depuis les cartes,
tu m'as effacée.
Depuis
(les cartes)
je surjoue la belle à en crever
aux lèvres pleines
(au coeur en petits morceaux
de sucre glacé, dont on fait des poèmes morcelés)
~
(en italique, une citation de Francis Lalane, Que la vie est triste, une petite merveille)
~
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