• (jour 21)

    (jour 21)

    (tout m’est très personnel et tout tourne autour de mon nombril - j’utilise l’écriture comme catharsis et comme tremplin pour observer ma vie de plus loin)

    Mamie, ma douce Mamie,
    je t’écris parce que je t’aime, parce que le tourbillon de la vie devenu si violent autour de toi m’empêche de t’approcher pour te le dire. Mamie, ma douce Mamie, je ne sais où puiser la force de t’écrire parce que je me sens arrachée, projetée brutalement dans cette certitude que tu t’étioles et que tu vas mourir. Je ne sais pas affronter ta mort Mamie. Je ne sais pas et ne veux pas me battre.
    Tu es si maigre, Mamie-moineau, si maigre et pourtant tu pèses tellement lourd sur les épaules de maman et tatie. Je ne compte plus les kilomètres, les heures sup’ pour pouvoir prendre ce jour pour venir te voir, les cernes qu’elles sacrifient avec le sourire et le coeur bon. Jamais aucune larme, aucune plainte, elles sont stoïques, inébranlables, solides pour toi, ma Mamie qui vacille, qui dort deux jours pour n’en vivre qu’un, qu’on vide et qu’on remplit avec des tuyaux sordides qui n’ont pas le goût de lavande.
    Mamie, ma douce Mamie, je tisse mille imaginaires où tu ne tombes jamais malade et où la mort n’existe pas. Je ne sais plus à quoi tu ressembles, apeurée, terrifiée que je suis de venir te voir, j’ai peur de ne plus te reconnaître, j’ai peur de l’hôpital, j’ai mal, mal de te savoir si frêle, mon corps me refuse d’accepter que tu es la même sans être la même, et j’angoisse, perdue entre mes mille cauchemars, j’angoisse.

    Mamie, ma Mamie-moineau, je te demande pardon de n’être pas venue alors que j’étais si proche, alors que c’était possible, pardon pour mon demi-tour, Mamie.

    J’ai peur de ta maigreur, peur de ta voix, peur de tes jambes qui ne marchent plus, peur de tes bleus, peur des tuyaux et des poches, peur de te trouver flasque et maigre et sans énergie pour faire semblant d’être vivante; j’ai peur de voir maman et tatie franchir vaillamment le chambranle le sourire vissé aux lèvres, les questions et les réponses déjà plein la bouche, et de ne pas être capable de les suivre; Mamie, j’ai peur d’être un poids pour tout le monde à exploser en larmes avant même d’être entrée, à ne pas savoir faire semblant d’être uniquement heureuse - oui, je serais heureuse de te voir, mais triste, infiniment triste Mamie, d’arriver et de constater l’avance de la mort sur toi tout en connaissant le vainqueur.
    Mamie, j’ai peur de pleurer trop, de pleurer pour toujours parce que je ne sais pas faire autrement et qu’une fois lancée je ne sais plus m’arrêter. J’ai peur d’être incapable de te dire un mot parce que les larmes. J’ai peur de te rendre triste parce que les larmes. Peur de fissurer le masque de maman et tatie parce que mes larmes. Je ne veux pas que ce soit à toi de me consoler Mamie, et pourtant je ne sais pas faire semblant d’être solide.
    […]
    tu as apposé sur ma vie l’écho des choses brisées
    […]

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