• (jour 2) - dire la vérité

    (jour 2)

    il m’est si facile de ne pas dire –
    j’ai cette faculté depuis très longtemps,
    depuis les prémices de mon adolescence
    où mon corps de vieille et mon âme d’impulsive
    travaillaient de mèche pour me faire passer tous les contrôles d’identité

    il m’est si facile de ne pas dire –
    je pratique cet art depuis très longtemps ;
    pourtant, les jolies catholiques de mon enfance
    m’ont longuement répété que mentir était pêcher
    et j’ai prié de mon cœur de petite fille
    oh, au moins mille fois pour confesser mes fautes
    pardonnez-moi mon père, car j’ai menti,
    il fallait le répéter à voix basse
    autant de fois qu’on vous disait
    et après
    miracle
    vous ressortiez de la poussière l’âme immaculée

    de ces journées de repentance
    j’ai tout de même gardé le travers
    de ne jamais mentir de front
    – mais toujours par omission –
    ne pas dire était surprenamment supportable

    très vite
    j’ai su glisser des heures entre les heures
    et des jours entre les jours
    et des nuits entre les nuits ;
    seule interprète de mes calendriers,
    seule connaisseuse, seule mélomane,
    je savais jongler avec mes absences comme un feu
    - brillamment, j’ai ébloui mon monde

    je ne saurais jamais dire pourquoi
    je joue autant à dérober mon être
    mais s’il devait y avoir une réponse
    c’est que souvent je déborde
    je déborde déborde dégouline
    de cette vie si rangée où tout est attendu
    de ces convenances étriquées dans lesquelles il faut se corseter
    de ce faux sentiment de sécurité qui parsème mes jours
    et qui parfois me tord et me transperce tant je ne m’y retrouve plus

    j’ai besoin
    d’aller faire du vélo dans la nuit noire, quand la cathédrale sonne des heures dont personne ne se rappelle
    j’ai besoin
    d’aller errer dans les maisons d’ombres que je ne connais pas, de vivre en parallèle d’un absolu que je frôle sans vouloir le toucher
    j’ai besoin
    de dormir sur la jetée à côté d’autres corps à même le sol, pour me voir respirer encore malgré les arêtes plantées dans mes poumons et le froid qui me perce
    j’ai besoin
    de ces ivresses, de ces secrets, de ces tendresses qui ne se glissent qu’entre deux inconnus à des heures incorrectes
    j’ai besoin de goûter aux confidences que la vie ne me fait que lorsque je m’en absente
    j’ai besoin de me sentir vivre
    et, pour un moment, un seul, de ne pas me voir poursuivre un calendrier

    […]
    alors tu vois, avec une telle pratique,
    avec un tel bagage,
    il n’a pas été difficile de ne pas dire

    non

    le jour où tu m’as prise

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