• Il y a fort fort longtemps...

    "Je marche dans la rue.

    Je regarde mes pieds bouger contre ma volonté.

    Je dois y aller, mais ce n'est pas moi qui décide où je vais. 
D'ailleurs aller où ?

    Mes pieds marchent.

    Alors que je suis moi, je deviens mes pieds,

    Ma semelle, mes chaussures, le trottoir.

    Je suis trottoir, puis je suis bitume, je suis donc roche, et de roche je deviens sable.

    Je suis sable, je suis grain de sable, de poussière, je suis poussière et je me noie.

    Si je me nois, alors c'est que je suis eau, et, eau, j'arrose la terre.

    Je suis donc terre, terre de poussière, je suis désert, et terre d'eau, donc marécage et désert à la fois.

    Puis je suis humus, et je suis graine, et je germe et je pousse et je sors de la terre que je craquèle.

    Je suis racine et je suis sève donc je deviens plante, et de plante écorce, et d'écorce arbre.

    Alors je suis arbre et je veux toucher le ciel, je m'étire, je m'allonge, je croît pour aller toujours plus haut.

    Et de sève dans les branchages je deviens feuille et je m'ouvre au soleil et je sors du bourgeon car j'étais bourgeon.

    Et je suis feuilles, une et multiple, et la plus haute feuille de la plus haute branche c'est moi et je veux toucher le ciel.

    Alors je m'envole, je vole, je décolle, car je suis morte, je suis feuille morte et c'est le vent qui m'emporte.

    Et de feuille je deviens vent, et vent je chasse les nuages, je suis donc nuage, et nuage je cache le soleil et je cache la lumière.

    Je suis alors soleil, et de soleil je me transforme en lumière. Et si je suis lumière, alors je suis dieu, et comme je suis dieu, je suis tout.

    Et étant le tout, je ne suis rien.

    Je ne suis rien et mes pieds marchent sur le bitume."

    ~

    Je prends la liberté de vous partager ce texte, que j'ai déjà posté sur ce blog dans cette même rubrique. Ce poème date du 28 avril 2012, soit il y a un peu plus de quatre ans, j'en avais 15. Je le republie... peut-être parce qu'il me touche encore ? J'ai l'impression fugace que je pourrais l'avoir écrit hier;
    parfois je me demande qui contrôle mon stylo, et d'où me viennent les mots ?

    Certains de mes textes vieillissent très mal, et je souffre parfois de les retrouver sous mes yeux critiques. D'autres, au contraire, possèdent des tournures de phrase, des idées, des mots beaucoup plus intemporels, et alors je me questionne souvent : qu'est-ce qui instaure cette différence entre les deux ? Ecrits par la même personne, à la même période, pourquoi est-il possible de faire deux tas avec ces textes -un tas "à relire", un tas "à jeter"- ?

    Parfois, j'ose même me demander si je ne mets pas le doigt sur ce qu'est un 'bon' poème ? C'est certainement très arrogant et très subjectif comme question, mais je me la pose souvent : est-ce que c'est un bon poème ? Comment reconnaître un bon poème ? Qu'est-ce qui fait un bon poème ?

     

    J'aurais voulu répondre, "L'émotion !" -mais ils ont tous été écrits avec de l'émotion, qu'elle soit pure, en boîte, en sachet séchée, elle était présente sous toutes ses formes, l'émotion. Dans l'absolu, ce sont toujours les mêmes mots projetés au hasard sur une feuille. "L'émotion qu'il apporte ?" me paraît déjà une meilleure réponse.

    ~

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