• Chut

    ~

    Dans la très grande nuit très noire

    (enfin pas très noire puisque j'ai encore les yeux ouverts,

    enfin ils sont ouverts mais je ne vois pas grand chose

    - tu le sais, je suis taupe sans mes verres bleus,

    et le soir les larmes poussent sans cesse la porte de mes paupières,

    je ne sais plus apprécier la jolie nuit noire de mai).

     

    ..dans la très grande nuit dans le très grand lit

    (et dans la très grande absence et dans le très grand froid)

    il se fredonne une jolie complainte aux silences peu académiques,

    rythmée, mais pas trop, au tempo saccadé et diabolique,

    qui s'élève et s'éteint sous les mouvements de la baguette des sanglots magiques.

     

    Dans le très grand lit qui tente de contenir mon très grand vide

    -ce vide immense qui me perfore la poitrine, mes rêves, mes rires, mon sommeil-

    la couette recèle des symphonies de côtes qui craquent à force de pleurer-sans-pleurer,

    les cauchemars fêlés viennent tituber haleter s'effrayer dans des rayons de lune,

    les dents grincent un peu, les mains griffent un peu, le coeur saigne un peu,

    mais le refrain salé-silencieux reprend toujours sans traîner ni s'arrêter.

     

    Dans le très grand lit, et dans le très grand vide qui a gobé ma toute toute toute petite poitrine,

    il égrène, douloureusement : insatiable, indésirable, indésirée, usurpatrice, de temps, d'attention, d'émotions;

    enchaînant continuellement, en un instant : inconfortable, incapable, inutile, (nulle, comme une bulle)

    - prisonnière de mes draps, je me sens tout à la fois poids, enclume, non-voulue, embêtante, embêtante, embêtante,

    à ne plus savoir qu'en faire.

    Le très grand vide m'aspire et je voudrais disparaître 

    avalée toute crue toute nue par le trou noir d'entre mes côtes

    dévorée par l'énorme monstre salé aux pieds d'ogre qui ont tout écrasé

    ou par celui qui dort à l'intérieur de mon coeur et qui s'acharne avec ardeur à poinçonner chaque méridien de ma douleur

    - et quand le troisième couplet commence, début de la deuxième danse, on relance sans joie

    la compagnie des sanglots froids, qui se mangent sans faim, sans fin,

    puisque ça n'en finit jamais les nuits comme ça, puisque c'est invincible, et on relance

    encore, la danse des sales silences, celle du jvoudrais-parler-mais-ne-sais-plus-le-faire

    - mes mots sont cassés, mes phrases sont cassées, mes côtes sont cassées

    mais comment te le dire puisque je ne sais plus parler ?

     

    Alors je ne dis plus je fais semblant comme si de rien

    (alors que tout)

    je fais semblant, je pleure, je meurs chaque jour un peu plus à l'intérieur, je me

    décompose brutalement engloutie par le vide dans ma poitrine et je n'ose

    pas en parler, je ne sais pas en parler, je n'y arrive pas, en parler,

     

    j'ai si peur de t'embêter

     

    alors

     

    dans le très grand noir des si longues nuits de mai, 

    funambule,

    j'oscille entre le très grand vide, les très grandes peurs, les très gros sanglots,

    les côtes qui se brisent, les espoirs qui se brisent, la confiance qui se brise,

    j'oscille, avec tous ces éclats de moi enfoncés partout dans le corps

    (j'ai même mal juste quand je respire, juste quand je respire)

    je continue un peu à danser sur la musique de mes larmes,

    je vacille

    entre les rêves en miettes, les rires en miettes, le sommeil en miette,

    entre les sanglots en morceaux, ma confiance en morceaux, ma poitrine en morceaux,

    je vacille, funambule affligée, pierrot meurtri,

    qui sait ?

     

    Les vides se ressemblent et se répondent,

    on fait le bord du gouffre pour conjurer la déconfiance qui s'installe très violemment en dedans.

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