• N'écris pas n'écris pas n'écris pas non

    non surtout pas surtout pas surtout pas

    n'écris pas je t'en prie,

    je m'en prie

    n'écris pas, pas hier pas demain pas aujourd'hui.

     

    N'écris pas la distance,

    n'écris pas le départ

    l'attente, les quais de gare,

    non, surtout pas surtout pas surtout pas

    n'écris pas, n'écris pas ce soir

    ni demain ni hier ni aujourd'hui.

     

    Tais toi, tais toi mon coeur tais toi,

    tais toi surtout tais toi

    laisse le silence envahir les souvenirs

    laisse le silence noyer son absence

    laisse le, laisse le apposer sa marque sur la taie d'oreiller,

    et tais toi, tais toi mon coeur, tais toi,

    ne dis rien, ne dis surtout pas

    surtout pas surtout pas surtout pas

    le manque ne le dis pas

    la déchirure ne la dis pas

    le départ le départ le départ

    surtout ne le dis pas

    tais toi ce soir,

    (tais toi)

    seul le silence se reconnaîtra.

     

    ~

     

    (chut, ne le dis pas, mais j'avais déjà écrit ce poème, même que c'est avec lui que j'ai de nouveau gagné un prix pour le concours Poésie en Liberté 2016 - et oui, Paris, novembre, me revoici)


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  • Calme plat

    sur la mer de mes joues ;

    ce soir,

    le sel est dompté,

    les cachets sont rangés dans l’armoire

    tout comme le couvercle à images,

    tout comme le rectangle ondulant,

    tout comme les angoisses particulières.

     

    Ce soir calme plat dans la tempête de ma poitrine,

    le vide se débattra dans d’autres bras ;

    Tandis que le noir me caresse les cils,

    très doucement,

    les décibels pulsent à mes tympans ;

    ils veulent entrer dedans mon crâne,

    la musique fait sienne ma volonté,

    j’ai donné mon corps à la boîte à sons.

     

    Calme plat ce soir sur la houle de mes désespoirs ;

    pas de tsunami sentimental,

    pas de naufrage nocturne sur les récifs souvenirs,

    pas d’ancrage malvenu sur les paniques passagères clandestines ;

    calme plat ce soir,

    le sel est dompté,

    les larmes sont rangées dans les tiroirs ;

    ce soir seul le noir me mange à grosses bouchées,

    et il m’avale et me berce et me murmure,

    tout tendrement dans mes tympans molestés :

    « Danse, poupée, le vide est loin

    pour cette nuit au moins,

    danse, danse à t’en fêler les côtes

    à t’en décrocher les os

    danse et attrape la main tendue du sommeil serein. »


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  •  

    "Rends-toi devant ta bibliothèque, ferme les yeux, attrape un livre au hasard. Ouvre-le page 57, prends la première phrase complète, et insère-là dans une toute autre histoire (en la signalant en italique)"

    Dis-moi, ami, est-ce que c’est normal que les gens fassent des rêves gercés ? Combien de temps faut-il battre des paupières pour quitter terre ? Combien de touches sur son clavier faut-il marteler pour comprendre la poésie du cliquetis ? Combien de temps avant que tu reviennes mon amour ? Est-ce que les cancers ont des petits prénoms qui se cambrent à chaque déclinaison ?

    Dis-moi, ami, se prépare-t-on à la musique quand il est l’heure de combattre ? Est-ce que les tours finiront par crever le ciel ? Est-ce que tu cauchemardes à la folie les nuits où le silence se dandine entre les draps moites ? Combien de jours avant que tu reviennes mon amour ? Dis-moi ami, comment se fait-il que les hypocrites aient de si beaux cheveux ?

    Dis-moi ami, qui sont vraiment les dieux ? Comment sais-tu que tu es arrivé au bout du monde lorsque tu le cherches ? Est-il vrai que certaines fleurs ne s’ouvrent que pendant une seule journée ? Vaut-il mieux vivre caché ou se proposer à chaque égratignure ? Quand reviendras-tu mon amour ? Quel bruit fait le vent lorsqu’il est accablé de fatigue et de frustration ? Est-ce que les illusions poussent dans les arbres ou dans les cœurs ?

    Dis-moi ami, as-tu déjà aimé ? As-tu déjà ri, déjà déçu, déjà gouté à d’autres bouches, d’autres corps, d’autres odeurs ? Dis-moi ami, quelle sensation sur ta peau font les draps du dédain ? Quelle texture possède le lit des hontes ? Combien de nuits encore avant ton retour mon amour ? As-tu déjà seulement oublié, pardonné, haï, as-tu découvert et été découvert ami ?

    Dis-moi ami, combien de jours encore avant le retour de mon amour ? Combien de temps encore, combien de nuits encore, combien encore ami ?

    Dis-moi amour quand reviendras-tu ? Quand reviendras-tu ?

    Dis-moi amour, reviendras-tu seulement ?


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  • 
« Très bien, soupira-t-il. Je t'accorde trois minutes. »

    Trois, trois, trois minutes ? Mais c’est trop court trois minutes, elles sont trop courtes tes trois minutes pourquoi seulement trois, ton train ne part que demain matin pourtant, c’est bien trop peu trois minutes pour t’avouer presque une année de mensonges, tout un pan de vie creuse, c’est bien trop court pour mourir de honte et me cacher derrière un rideau de pleurs, et sur la table ta main qui serre la mienne jusqu’à éclater, ne me lâche pas s’il te plaît ne me lâche pas, cette main entre nous c’est le dernier pont, le dernier contact, littéral comme physique, tu vas partir, tu vas partir dans trois minutes et je le sais, puisque ces dernière secondes seront les plus silencieuses de ma vie ; comment veux-tu que je te parle ?

    En trois minutes, comment te dire toute l’horreur de la découverte de ta découverte, comment te crier la colère, la honte coriace, la frustration assassine, l’indécision infusée à la douleur, et comment t’avouer l’honnêteté parmi les décombres de la confiance et l’amour malgré les coups de couteau, trois minutes, et dire que je ne t’ai même pas vu partir, comment as-tu pu affronter le quai vide, as-tu pleuré à l’intérieur, ça t’a fait quoi dis-moi, dis-moi dis-moi dis-moi ça t’a fait quoi de me voir nue de me voir tue, sans mots sans défense sans rien, la poète muette, ça t’a fait quoi de me découvrir sourde, amorphe, résistante à tous les venins, pas de pleurs, je n’ai presque pas pleuré, ça t’a fait quoi de ne pas me voir m’effondrer ?

    Trois minutes – c’est à peine le temps de la surprise, à peine le plissement-défroissement des paupières, trois minutes, tu as glissé ta main hors de la mienne, trois minutes, tes mots empoisonnés glissés dans mon corps nu, trois minutes, tu as couru assassiner le nuage, attrapé au vol un quai de gare, trois minutes, tu t’es envolé disparu étouffé, trois minutes, et je regardais ma main vide de toi pour toujours, mon lit vide de toi pour toujours, mon corps vide de toi pour toujours et j’essayais de respirer encore un peu mais tes phrases avaient perforé mes poumons et ton absence colérique prenait soudainement toute la place dans mon diaphragme.

     

    Trois minutes et tous nos rêves écartelés gisaient, agonisants-râlants, sur le parquet de ma chambre où errait encore ton odeur.


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