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au bout de combien de cerises
cette maison-là ne sera plus la mienne
tu sais?
il est arrivé aujourd'hui
(dans cette journée sensible d'absence, d'effacement du monde)
que je me retrouve
la fenêtre ouverte
les cheveux au vent
enveloppée dans les bras de la carcasse métallique
à passer devant ces champs si familiers
aux coquelicots placés ça et là, depuis toujours.
j'étais perdue dans mes pensées amères-douces
pendant que mon corps déjà se projetait au prochain virage
que nous n'avons pas pris
la soudaine réalisation
j'ai posé un pied en-dehors de mes pensées
pour me rendre compte que nous n'allions pas
rentrer
puisque la maison jaune
n'est plus la nôtre
d'autres vivent en son ventre
d'autres habitent en son sein
d'autres que moi, qui n'y vit plus
depuis au moins mille années
au bout de
combien de cerises
cette maison-là
ne sera
plus la mienne
tu sais?
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tu sais parfois je me raconte
quand je suis allongée dans le lit de mes amours
il y fait chaud, et lourd, et suave, et l'air y est rare
et douloureux à respirer
dans le lit de mes amours, quand l'oxygène s'en égare
je me parle tout bas, à environ trois décibels de l'audible
je me chuchote que la vie est belle, et douce, et admirable
comme si je pouvais le croire
- tout est plus crédible quand l'aurore n'est encore qu'un songe -
je me prends par la main pour me raccompagner jusqu'au sommeil
et sur la route je me berce
je me murmure que l'existence est possible, faisable, une beauté
une beauté quelque part
je dresse mes paupières pour ne se fermer qu'une fois l'espoir avalé
et dans la nuit rugueuse, et âpre, et rêche, et piquante-coupante
je me rendors
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je suis allée m'asseoir
dans cette petite salle chaude
où les êtres ne se connaissaient pas
d'avant
(on s'est reconnus d'après mais sur le coup comment le savoir?)
de l'écran sont sortis des mots nouveaux
(ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu de nouveau mots)
alors en bonne collectionneuse
je les ai tous attrapés
avaient-ils un sens
étaient-ils ordonnés
fallait-il les comprendre
je ne le sais pas encore
je sais juste que sous mes paupières
j'ai dorénavant glissé la peur de ne pas savoir
et tous ces mots sans sens côte-à-côte
mes mots de papillon-collectionneuse
je sais construire des choses qui n'ont pas d'usage
et c'est là leur unique fonction
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