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    mais que t'écrire, que t'écrire au fond, au fond, n'ai-je pas déjà tout écrit j'ai l'impression sans cesse de revenir à mon point de départ à mes mots de toujours il suffit que je ne fasse pas attention je pianote et à la relecture me sautent aux yeux les mêmes lignes qu'il y a un an, deux ans, quatre, toujours les mêmes lignes parce que j'écris toujours pareil -

    j'en viendrai presque à croire que je n'évolue pas, marmaille stagnante sans croissance ni rapetissement, juste les mêmes mots toujours sur les mêmes lignes, juste l'impression d'avoir écrit un texte hier alors que l'encre date d'il y a tellement plus de jours -

    alors que t'écrire, que t'écrire pour sortir des schémas éternels, de la grande bouillabaisse de l'écriture terne de clara, que t'écrire -

    peut-être te parler de cette impression de grandir, fugace et passagère, qui me visite parfois - on pourrait croire, je pourrais presque croire que je mûris - mais j'ai constaté que ma croissance est très résolument non-linéaire, disproportionnellement décalée de tous les évènements qui me cabossent, non-relatée aux nombres de bleus de mon coeur; ma maturation est non-définie et aléatoire, qualitative plutôt que quantitative, je ne suis pas capable de dire "à tel moment j'ai atteint tel niveau de maturité" comme si je pouvais le lire noir sur blanc sur un graphique, je ne peux que ressentir, au détour des jours qui passent et s'entassent, des élans du coeur, des élongations poitrinaires soudaines, surprendre dans un coin de ma tête des réflexions qui me font sursauter par leur sérieux et leurs fondations amples et solides, je ne peux que découvrir par hasard et par surprise ces petits bouts de moi qui soudainement ont changé de couleur et de texture -

    peut-être te parler de cette sentiment de croissance qui me prend parfois, quand au détour d'une conversation ou d'un chamboulement émotionnel je me surprends à réagir autrement, sans masque et sans mensonges mais avec une clara réinventée, mixée avec le maintenant du moment - c'est seulement à ces instants-là, ou peu après quand le souvenir revient me caresser, que je me dis "je grandis, j'ai grandi"

    c'est fou mais quelle folie, à quoi sert de grandir si c'est pour pourrir à la fin du temps imparti


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    tu sais je pars - mais comme toujours, la vie je la vis comme une inconstante puisque nous sommes inconstants, puisque rien ne l'est au fond, constant, même pas les mots que l'on écrit ou que l'on peine à crier, tout est con au fond - tu sais je reviens - comme la mer qui s'en cesse revient et sans cesse repart, mais toujours là au fond, toujours là sans y être, toujours là mais trois pas en arrière - alors je valse avec des allers-retours, l'aller long le vide soudain plus rien d'écrit le blanc sur la page qui se morfond de ne pas vivre sa grande vie de page - alors je valse avec des allers-retours parce que je sens les lecteurs derrière ils me sont trop proches de la glotte de la gorge ils m'étouffent de leur présence invisible mais si pesante j'ai besoin d'écrire ma vie sur ce bout de pixel mon journal extime, ma pudeur dévoilée tout mon amour sans filtre balancé sur la grande toile un fil de plus au magma d'informations sans poids comment ça tu ne veux pas savoir ce que je vis ma vie comment ça tu ne veux pas lire mes poèmes très bien ne me lis pas ne me lis plus au fond je n'écris que pour moi et ne plus avoir le poids de tes yeux sur mes lignes ne les rendront que plus libres plus légères ah si seulement je pouvais écrire mais sans être lue alors je déguise mes fausses humeurs dans des textes illisibles, dégueulasses en bouche, au goût amer, sans ponctuation pour que tu n'en arrives jamais à la fin, pour à la fin dire oser dire enfin dire je ne sais qu'aimer je ne fais qu'aimer j'aime trop j'aime depuis toujours ne me suis-je donc construite qu'à travers le prisme de l'amour et j'ai peur de trop aimer j'ai peur de ne faire qu'aimer l'amour me fait peur, l'amour me fait peur

    alors je valse avec des allers-retours et j'attends que tout le monde parte pour me remettre à écrire


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