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"Poésie, mon invulnérable, pourras-tu encore faire ce miracle de me sortir du bourbier qu'est la vie ?"
Journal Intime, Mireille Havet
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tu sais
j'ai la musique fort fort qui cogne à mes tympans
(comme ça ça fait moins de fracas quand je pense)
parce que tu sais je pense maintenant
oh, un tout petit peu, oui
mais un tout petit peu c'est un peu quand même
oui, je pense un peu quand même
et dans mes silences de fille ordinaire
je tisse d'immenses voiles dedans mon crâne
dans lesquelles je m'emmêle
tu imagines mes doigts imaginaires empêtrés à l'intérieur de mon cerveau
en train de farfouiller pour essayer de dénouer ce noyau de pensées dures
qui ne cesse et cesse de rouler
toute, toute la journée
tourner en rond derrière mes pupilles
ça me casse beaucoup de vaisselle du coeur..
mon estime de moi, c'est en miettes maintenant que je te la raconte
la grande école des chiffres, je n'en suis plus si sûre maintenant que je me suis posée la question
("mais pourquoi tu fais ça Clara ?")
soudainement, tout est possible
tu sais, ça m'angoisse, ça m'angoisse
le vide comme ça
l'appel du par-dessus bord comme ça
les possibles comme ça
l'avenir qui pourrait être une immense page blanche
("mais que voudrais-tu y écrire Clara ?")
immense comme les voiles qui m'étouffent à l'intérieur
(mais ne t'inquiète pas je respire encore convenablement)
tu m'imagines, me frottant les tempes pour essayer de comprendre dans quel sens il faut réfléchir,
pour démêler mes pensées à demi-germées, mes rêves écaillés et ma poésie périmée
dans quel sens faut-il réfléchir, tu sais toi ?
moi je suis partie de la respiration (tant que tu respires, mais tant que tu respires tout est possible, tout est peut-être)
de là j'ai vogué jusqu'à l'amour-confiance, ma colonne vertébrale, plus solide que jamais depuis qu'il ne m'aime plus,
j'ai posé un pied sur la terre des miroirs, j'y ai jeté un oeil, égaré quelques pensées
et depuis je cours en rond
mais je m'élève
et je m'enfonce
et il n'y a ni commencement ni fin
je t'ai dit, tout, tout s'emmêle
je ne comprends pas dans quel sens il faut réfléchir
mais tant que je respire, tant que je respire
j'apprivoise l'angoisse comme un petit chat
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vous me faites penser à la pluie, répète-t-elle pendant que son vélo s'endort et s'envole
vous me faites penser à la pluie et à ce poète affectif, très, trop, tellement trop, qui m'a coursée-clouée sur les murs de tous les métros - je fuis mais giflée par la vie, je ralentis (et alors je m'écroule et alors je rêve pour échapper aux mains rugueuses du poète qui ne se fatigue pas de m'aimer)
le poète ne se fatigue pas de m'aimer - mais moi je peine, mais moi je m'épuise le long de mes semaines qui s'éternisent, j'écris, subtile, mais la pluie se mêle aux lignes et tout coule, s'écoule et s'efface sans laisser de traces, exception faite peut-être
du bleu dans ma gorge donné par l'amoureux de l'autre qui est un secret pour tous
- vous me faites penser à la pluie, répète-t-elle, alors que que le temps sourd craquèle les trottoirs de ma ville
- qu'elles sont loin, loin les fins de semaines
dans ma tête la piqûre aigre des souvenirs qui décantent et les rêves de contrebande - mais où se cache le repos si ce n'est dans mon lit - vide le lit vide - au moins mes draps y sont doux, pour réparer un peu ces trous partout dans mon corps où refroidissent les cendres de tes baisers - ces creux dans le matelas où se cachait cette odeur de toi
dans ma tête l'acidité du manque qui submerge les derniers neurones allumés
je m'essouffle et me dévidemais le cambouis me remonte jusqu'aux coudes
mais les cernes me glissent jusqu'au cou
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